Jacques Attali le prophète - "Des vaccinations annuelles et reconfinements réguliers durant des décennies"


Une pandémie majeure ferait surgir la prise de conscience de la nécessité d'un altruisme, au moins intéressé.  Jacques Attali publié le  06/05/2009.                                          


Faut-il rappeler que Jacques Attali est ce qu’on peut appeler un “initié” de l’hyper-classe mondialiste ? Fondateur et premier président de la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement), président d’Attali & Associés (cabinet de conseil international spécialisé dans le conseil stratégique, l’ingénierie financière et les fusions-acquisitions), président de Positive Planet ancien président du conseil de surveillance de Slate.fr, membre du comité stratégique de la France China Foundation, etc. On le retrouve encore au Bilderberg, au Congrès Juif Mondial, au Forum Economique Mondial, etc, etc.

Ce qu’il dit ou écrit n’est donc jamais innocent. Or, sur son site personnel, en date du 31 mars, il signe un article intitulé La pandémie, et après ? qui contient un paragraphe qui doit retenir particulièrement notre attention :

« (…) Ensuite, parce qu’il faudra se préparer à l’émergence probable de nouveaux variants résistants aux vaccins actuels, et résister au désespoir qui pourrait suivre la nécessité de nouveaux reconfinements, en attendant de produire à très grande vitesse des milliards de doses de vaccins nouveaux, et organiser des campagnes planétaires de vaccination ; il faudra prendre son parti d’avoir à le faire tous les ans, pendant des décennies ; pour cette maladie et sans doute pour bien d’autres. Il faudra alors se décider à faire enfin tout ce qu’on aurait dû déjà faire depuis un an pour préparer notre société à vivre au mieux dans un monde à pandémies multiples : la réorganisation des lieux d’études et de travail, pour qu’ils soient structurellement adaptés à ces périodes, qu’on pourrait revivre périodiquement. »

Même si nous disposons enfin, un jour prochain, en Europe et dans le reste du monde, d’un déluge de vaccins ; même si nous réouvrons cet été théâtres, cinémas, hôtels, restaurants ; même si l’automne pourrait être gai ; et même si bien des gens pourront dire, au début de l’hiver prochain, que cette pandémie n’est plus qu’un mauvais souvenir, rien de ce qu’elle implique ne sera derrière nous :

D’abord, parce qu’il faudra gérer toutes les tragédies, toutes les séquelles, toutes les faillites, toutes les pertes d’emplois, toutes les études gâchées, toutes les vocations manquées, tous les projets foudroyés pendant ces presque deux ans.

Ensuite, parce qu’il faudra se préparer à l’émergence probable de nouveaux variants résistants aux vaccins actuels, et résister au désespoir qui pourrait suivre la nécessité de nouveaux reconfinements, en attendant de produire à très grande vitesse des milliards de doses de vaccins nouveaux, et organiser des campagnes planétaires de vaccination ; il faudra prendre son parti d’avoir à le faire tous les ans, pendant des décennies ; pour cette maladie et sans doute pour bien d’autres. Il faudra alors se décider à faire enfin tout ce qu’on aurait dû déjà faire depuis un an pour préparer notre société à vivre au mieux dans un monde à pandémies multiples : la réorganisation des lieux d’études et de travail, pour qu’ils soient structurellement adaptés à ces périodes, qu’on pourrait revivre périodiquement.

Enfin, il faudra se préparer à toutes les autres menaces, aussi négligées aujourd’hui que l’était celle de cette pandémie, et tout aussi parfaitement prévisibles : le manque d’eau, le réchauffement climatique, l’aridité des sols, les invasions d’insectes, l’extinction d’innombrables espèces ; et tous les troubles politiques qui en découleront. Ces menaces sont d’une toute autre nature que celles d’une pandémie, et provoqueront beaucoup plus de dommages irréversibles.

Ne pas s’y préparer, c’est s’attendre à revivre mondialement les improvisations, les erreurs, les tâtonnements, les manques, les pénuries, que nous vivons maintenant. Dans des proportions bien plus grandes. Et sans solution, car on ne pourra pas refroidir la planète, ni faire renaitre des espèces disparues ; ni espérer qu’un vaccin nous protège du manque d’eau ou de la pollution de l’air.  Ne pas s’y préparer c’est aggraver la probabilité de guerres entre nations ou entre groupes sociaux, dans un monde devenant invivable.

S’y préparer dès maintenant, c’est tirer les vraies leçons de la pandémie actuelle ; c’est avoir le courage de se mettre en économie de guerre pour réduire massivement toutes les activités économiques qui aggravent la probabilité d’occurrence de ces catastrophes (les énergies fossiles et les moyens de transport qui les utilisent, le plastique, la chimie, les industries textiles) ; et c’est donner une priorité  absolue aux autres secteurs qui conditionnent la réponse à ces menaces : les industries médicales, les hôpitaux, la formation de médecins, la recherche, l’éducation, l’hygiène, l’alimentation, l’agriculture raisonnée, le digital, la distribution, les énergies propres, l’eau propre, la sécurité, la culture, la démocratie, la finance non spéculative et l’assurance, le logement durable). 

Tous ces secteurs, qui forment ce que je nomme «l’économie de la vie», ne représentent aujourd’hui pas plus de la moitié de la production d’aucun pays du monde ; dans vingt ans, cela devrait représenter les deux tiers.

Cela exigera une immense reconversion ; une nouvelle vision du monde, tournée vers les générations futures ; de nouvelles valeurs, plus altruistes, de nouvelles priorités, moins futiles. Une nouvelle façon de faire de la politique

Nous n’aurons pas de seconde chance. Si nous ne nous y mettons pas sérieusement au plus vite, nous regretterons cette pandémie, comme un de nos derniers moments heureux.

Aurons-nous le courage de le comprendre ? Les femmes et les hommes politiques, les intellectuels, les chefs d’entreprises, les syndicalistes, auront-ils le courage de dire la vérité et d’agir vraiment sérieusement ? Je l’ignore.

Je sais seulement que, s’ils ne le font pas, il n’y aura, un jour, dans un siècle ou moins, même plus de générations futures pour les maudire.

https://www.medias-presse.info


Une pandémie majeure ferait surgir la prise de conscience de la nécessité d'un altruisme, au moins intéressé.

Par Jacques Attali

publié le 06/05/2009  sur https://www.lexpress.fr

L'Histoire nous apprend que l'humanité n'évolue significativement que lorsqu'elle a vraiment peur : elle met alors d'abord en place des mécanismes de défense ; parfois intolérables (des boucs émissaires et des totalitarismes) ; parfois futiles (de la distraction) ; parfois efficaces (des thérapeutiques, écartant si nécessaire tous les principes moraux antérieurs). Puis, une fois la crise passée, elle transforme ces mécanismes pour les rendre compatibles avec la liberté individuelle et les inscrire dans une politique de santé démocratique.  

La pandémie qui commence pourrait déclencher une de ces peurs structurantes.  

Si elle n'est pas plus grave que les deux précédentes frayeurs de ces quinze dernières années liées à un risque de pandémie (la crise de la vache folle en Grande-Bretagne et celle de la grippe aviaire en Chine), elle aura d'abord des conséquences économiques significatives (chute de l'activité des transports aériens, baisse du tourisme et du prix du pétrole) ; elle coûtera environ 2 millions de dollars par personne contaminée et fera baisser les marchés boursiers d'environ 15 % ; son impact sera très bref (lors de l'épisode de la grippe aviaire, le taux de croissance chinois n'a baissé que pendant le deuxième trimestre de 2003, pour exploser à la hausse au troisième) ; elle aura aussi des conséquences en matière d'organisation (toujours en 2003, des mesures policières très rigoureuses ont été prises dans toute l'Asie ; l'Organisation mondiale de la santé a mis en place des procédures d'alerte à l'échelle planétaire ; et certains pays, en particulier la France et le Japon, ont constitué des réserves considérables de médicaments et de masques).  

Si l'épidémie est un peu plus grave, ce qui est possible, puisqu'elle est transmissible par l'homme, elle aura des conséquences véritablement planétaires : économiques (les modèles laissent à penser que cela pourrait entraîner une perte de 3 trillions de dollars, soit une baisse de 5 % du PIB mondial) et politiques (en raison des risques de contagion, les pays du Nord auront intérêt à ce que ceux du Sud ne soient pas malades, et ils devront faire en sorte que les plus pauvres aient accès aux médicaments aujourd'hui stockés pour les seuls plus riches) ; une pandémie majeure fera alors surgir, mieux qu'aucun discours humanitaire ou écologique, la prise de conscience de la nécessité d'un altruisme, au moins intéressé.  Et, même si, comme il faut évidemment l'espérer, cette crise n'est pas très grave, il ne faudra pas oublier, comme pour la crise économique, d'en tirer les leçons, afin qu'avant la prochaine - inévitable - on mette en place des mécanismes de prévention et de contrôle, ainsi que des processus logistiques de distribution équitable des médicaments et de vaccins. On devra, pour cela, mettre en place une police mondiale, un stockage mondial et donc une fiscalité mondiale. On en viendra alors, beaucoup plus vite que ne l'aurait permis la seule raison économique, à mettre en place les bases d'un véritable gouvernement mondial. C'est d'ailleurs par l'hôpital qu'a commencé en France, au xviie siècle, la mise en place d'un véritable Etat.  

En attendant, on pourrait au moins espérer la mise en oeuvre d'une véritable politique européenne sur le sujet. Mais, là encore, comme sur tant d'autres sujets, Bruxelles est muet.  

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