La France fait le choix de l’huile de palme malgré l’interdiction du Parlement européen


Alors que le Parlement européen a voté l’interdiction des importations d’huile de palme en 2021, la France a donné son feu vert à une bioraffinerie de Total, suscitant de violentes réactions.

Le ministère de la Transition écologique s’est fendu d’un long communiqué pour expliquer les motifs de cette autorisation qui va clairement à l’encontre du bon sens écologique : la raffinerie va importer des huiles de soja et de palme, principalement produits en Amérique du Sud et en Asie, au prix d’une déforestation massive et pour un gain écologique discutable : le bilan carbone de ce type de biocarburant est lourd si l’on prend en compte l’impact dévastateur de la déforestation sur les émissions de CO2 mondiales.

Certes, la « bioraffinerie »  de Total produira des biocarburants de seconde génération, avec la technologie HVO Hydrogenated Vegetal Oil, qui peut fonctionner avec tout type d’huile. Mais les huiles recyclées, et surtout leur collecte, revient plus cher que l’huile de palme dont le rendement est par ailleurs plus élevé.

Certification

Le gouvernement français se targue d’avoir remporté une victoire dans la négociation avec Total, « qui a accepté de réduire significativement les quantités d’huile de palme utilisées et de prendre des engagements très précis sur la certification de leur origine et de leur mode de production ».

Mais en pratique, les contraintes sont maigres : « l’Etat a fixé, à Total, comme objectif d’utiliser au moins 25 % de matières premières issues du recyclage des huiles » assure le ministère de la transition écologique, sans préciser l’échéance de cet objectif, qui reste un vœu pieux. Le gouvernement évoque aussi objectif pour Total de réduire « autant que possible » l’approvisionnement en huiles végétales brutes.

Mais pour l’heure, la raffinerie est autorisée à utiliser 300.000 tonnes d’huile de palme par an, un montant énorme : il s’agit de 10 % de la consommation totale d’huile de palme en Europe pour les biocarburants en 2016.

« Le gouvernement n’a pu imposer aucune contrainte à Total » résume Clément Sénéchal, chargé de campagne Forêts chez Greenpeace, qui rappelle que les agrocarburants produits à partir d’huile de palme émettent trois fois plus de CO2 que les carburants fossiles, comme l’évaluait cette étude d’Ecofys que l’impact du changement d’affectation des terres.

De son côté, Total affirme dans son communiqué « avoir pris note de l’émotion suscitée par les informations erronées selon lesquelles l’huile de palme brute représenterait jusqu’à 450.000 tonnes par an » et souligne s’être engagé à limiter cet approvisionnement à 300.000 tonnes.

« L’autorisation du gouvernement français de la raffinerie de Total conduira à une énorme augmentation des importations de biocarburants pour l’huile de palme, où 75 % des importations d’huile de palme sont déjà utilisées dans le secteur du transport » dénonce de son côté Laura Buffet, responsable des biocarburants à l’ONG Transport et Environnement.

Côté agriculteurs français, ce choix de favoriser l’huile de palme face au colza est jugé incompréhensible, alors que la France est un gros producteur de colza.

« Pour l’agriculture française, c’est une véritable gifle », a assuré Arnaud Rousseau, président de la FOP (producteurs d’oléoprotéagineux), à l’AFP.

Sabotage

La décision a aussi été condamnée par les eurodéputés, dont Yannick Jadot (Vert), qui s’est étonné d’entendre le ministre de l’écologie justifier le sabotage par le gouvernement français d’une victoire des écologistes au Parlement européen, avec la fin en Europe de l’huile de palme dans les agrocarburants.

Avant le vote, le gouvernement français avait alerté les eurodéputés, vraisemblablement sous la pression de Total, s’inquiétant du fait qu’une interdiction d’huile de palme serait attaquée à l’OMC.
Le vote du Parlement européen se heurte certes au refus des chefs d’Etat de valider le projet. Il souligne néanmoins une prise de conscience majeure du sujet par les élus européens, que la France semble mépriser.

Un mépris paradoxal, puisque dans le même temps, l’Hexagone prétend promouvoir la lutte contre le changement climatique en soutenant du moins en parole l’accord de Paris.

« Si le président Macron est sérieux à propos de son engagement pour l’accord de Paris, il ne devrait pas soutenir le recours aux biocarburants faits à partir d’huile de palme, qui est trois fois pire que le diesel pour le climat » conclut Laura Buffet.

Source : https://www.euractiv.fr

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