Un document "confidentiel défense" reproduit dans Le Monde dans son édition du 25 août, lance une nouvelle polémique autour de l'exécutif. Comment les journalistes ont-ils pu se procurer cette note datée de fin août 2013 et accessible à très peu de personnes au sommet de l'Etat?
Ces temps-ci, le chef de l’Etat doit se demander s’il
a bien eu raison de passer autant de temps avec des journalistes durant
son mandat. Il y a quelques jours, ses propos rapportés par les
journalistes Antonin André et Karim Rissouli dans leur livre Conversations privées avec le président créaient la polémique. Aujourd’hui, c’est l'un des soixante entretiens accordés aux enquêteurs du Monde
Gérard Davet et Fabrice Lhomme qui suscite la controverse. Ou plutôt la
reproduction dans les pages du journal d’un document classé
"confidentiel défense" que les deux reporters se sont procurés en marge
de cette entrevue.
L'heure du franchissement de "la ligne rouge"
L’article revient sur une réunion tenue en petit comité à l’Elysée le 30 août 2013. François Hollande est en compagnie de quelques-uns de ses conseillers et attend 18h05 pour s’entretenir au téléphone avec Barack Obama. Il sera question de la possibilité de lancer un raid aérien contre l’armée de Bachar al AssadC’est l’heure du franchissement de la fameuse "ligne rouge" censé pousser la France a mettre le régime du dictateur syrien hors d’état de nuire avec l’appui, essentiel diplomatiquement et militairement, des Américains. Le 21 août, les forces syriennes loyalistes ont bombardé avec des armes chimiques (dont du gaz sarin) la Ghouta, une banlieue de Damas. On connaît la suite: après moult tergiversations, le président des Etats-Unis refusera de s’engager dans cette nouvelle opération extérieure, obligeant son homologue français à y renoncer également.
"Timeline du raid"
Mais si on reparle aujourd’hui de ces circonstances, c’est en raison de la photo dans Le Monde d’un document "confidentiel défense", produit le 29 août 2013 par les services de l’Etat. Il est intitulé "Timeline du raid" et comprend donc la chronologie de l’opération aérienne contre l'armée syrienne telle qu’elle avait été conçue par l’exécutif français. A 15h (on donnera l’heure française), les Rafale français disposés à Abou Dhabi et Djibouti devaient avoir fini leurs tests. A 20h, l’accord définitif du président de la République devait tomber. 21h, les équipages auraient vu leur briefing prendre fin. Le décollage, prévu à 22h40, devait amener le largage de missiles SCALP en direction de cibles militaires de Bachar al Assad sur les coups de 2h30.Ce n’est pas l’intérêt stratégique de ce document relatif à une opération qui a avorté il y a trois ans qui pose problème. C’est davantage la manière, et la source, grâce à laquelle les journalistes ont pu se saisir de celui-ci qui interrogent. Dans leur article, Gérard Davet et Fabrice Lhomme écrivent simplement: "Sur le bureau du président, envahi de dossiers, quelques documents, certains estampillés "Confidentiel défense". Hollande consulte l’un d’entre eux en particulier. Nous en avons une copie." Ils ne précisent pas quand ils l’ont obtenue ni par qui.
L'Elysée sous le feu des critiques
L'opposition a vite réagi. Hervé Morin, ancien ministre de la Défense du gouvernement Fillon, cité par Le Parisien, estime que c'est le président de la République qui est à l'origine de la fuite: "C’est Hollande qui l’a donné. C’est sûr!" La majorité, elle, récuse ces accusations, tout comme l’Elysée.Un document "confidentiel défense" est le niveau le plus bas de l’organigramme du secret de la défense nationale. L’arrêté du 23 juillet 2010 "portant approbation de l’instruction générale interministérielle sur la protection du secret de la défense nationale" dit la chose suivante: "Il existe trois niveaux de classification : Très Secret Défense, Secret Défense, Confidentiel Défense. (…) Le niveau Confidentiel Défense, réservé aux informations et supports dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret classifié au niveau Très Secret Défense ou Secret Défense."
Reste qu’un tel document n’est en principe accessible qu’à un petit nombre de personnes: quelques officiers supérieurs particulièrement bien galonnés, conseillers militaires à la Défense et auprès de la présidence et le président de la République lui-même. Une telle divulgation est punie de sept ans de prion et de 100.000 euros d’amende.
Source : http://www.bfmtv.com
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