Laurent Obertone : La France Big Brother


LIVRE : Cet homme est dangereux. Pas pour vous, mais pour les idéologues qui, depuis si longtemps, tentent de nous faire entrer dans le crâne leurs dogmes et leurs idées toute faites. Laurent Obertone est même un multirécidiviste. Il s’est notamment fait connaître par « La France Orange mécanique » qui lui a valu, en même temps qu’un formidable succès de librairie, ses premiers ennuis avec la police de la pensée.


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Le cas d’Obertone est de plus en plus préoccupant. Avec « La France Big Brother », il se lance, cette fois, dans une vaste entreprise de déconstruction. Il a choisi de déconstruire les déconstructeurs, juste retour des choses. Il faut du courage intellectuel ; il n’en manque pas, avec, en prime, un authentique talent d’écrivain (quelques-uns des portraits qu’il brosse de nos maîtres-à-ne-pas-penser constituent de vrais morceaux de bravoure) et une méthode d’investigation digne d’un journaliste dans l’acception la plus exigeante du terme.

« La France Big Brother » nous plonge dans un univers orwellien qui nous anesthésie, nous protège, nous surveille, nous prend en charge, nous empêche de réfléchir et, si nécessaire, nous punit. Le réel et le bon sens sont oblitérés et s’y substitue une morale dominante dont les ressorts sont l’antiracisme et la recherche effrénée de l’égalité, de l’égalitarisme, du nivellement ou, mieux encore, de l’indifférenciation.

Cet univers, c’est le nôtre ; 1984 = 2015 !

La démonstration est implacable, elle fait appel à l’actualité, à la biologie, à la psychologie, elle fourmille d’exemples, de citations, d’anecdotes qui témoignent d’un patient travail d’enquête et de collecte de données en amont. Obertone ne prétend pas substituer un modèle à un autre, il essaie d’ouvrir les yeux de Français qui, hélas, n’ont pas forcément le recul nécessaire pour prendre conscience de l’assujettissement qui est le leur. Il faut dire que l’entreprise de conditionnement des esprits est à l’œuvre depuis fort longtemps. Louis Pauwels s’en était rendu compte, qui avait parlé, en 1986, d’un véritable « SIDA mental » effectuant ses ravages dans la jeunesse.

À notre époque, ça va plus loin : beaucoup réclament un surcroît de domestication, ils se sentent perdus sans leur maître. L’ouvrage ne se contente pas de remettre le lecteur au contact du réel, il réfute méthodiquement ce que Big Brother prétend, par tous les moyens, nous faire ingurgiter (l’« indignation » à la Hessel, l’Éducation nationale façon Vincent Peillon ou Najat Vallaud-Belkacem, le féminisme, la parité, l’art contemporain, le discours médiatique convenu, la pub, les dépenses publiques, etc.).

Rien de brutal dans cet asservissement : on est gavé de pain et de jeux, de bons sentiments et de faux-semblants démocratiques, et aussi de mots magiques : tolérance, solidarité… On est tout simplement infantilisé, notre univers est ouaté. D’ailleurs, l’éditeur cultive l’allégorie, il a choisi une couverture rose fluo rassurante pour illustrer l’emprise de Big Brother.

Le but de Big Brother : briser toute faculté de réaction, nous transformer en une coquille vide, un réceptacle dans lequel on peut déverser indifféremment un iPhone, des slogans, de la désinformation, et nous faire aimer notre soumission en instaurant une sorte de « totalitarisme participatif », car Big Brother a fini par nous habiter, c’est ce bruit de fond qui nous accompagne en permanence, nous permet de nous sentir en harmonie avec les autres membres du troupeau.

Ce livre a du souffle, il se lit d’une traite, il fait souvent rire car Obertone utilise à merveille les armes de l’humour et du sarcasme, la pertinence de ses analyses et son sens des formules font mouche, et surtout, alors que l’univers dépeint pourrait susciter une déprime houellebecquienne, il suscite un début d’espérance : parfois les yeux s’ouvrent, le réel s’obstine à nous interpeller, un sursaut se manifeste, les leçons de morale passent de plus en plus mal et Big Brother commence à être inquiet.


Puisse ce livre rencontrer la couverture médiatique et le succès qu’il mérite, puisse-t-il aussi être distribué et donner à réfléchir dans les écoles de journalisme… mais on n’en est pas encore là !



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