Travail dissimulé à l'EPR de Flamanville : Bouygues devant le tribunal


Le procès en correctionnel de plusieurs entreprises, dont le géant du BTP Bouygues Travaux publics (TP), dans un dossier concernant 460 ouvriers étrangers non déclarés sur le chantier du réacteur EPR entre juin 2008 et octobre 2012, s'est ouvert mardi 10 mars à Cherbourg. L'affaire, qui devrait rester devant le tribunal pendant trois à quatre jours, pose notamment le problème des « travailleurs détachés » dans l'Union européenne.



Il est reproché au géant du BTP, à sa filiale Quille et à la société française Welbond armatures, d'avoir eu recours aux services d'entreprises, Atlanco et Elco, qui employaient sans les déclarer en France des salariés polonais et roumains, selon l'accusation.

Au cœur du dossier, une agence internationale d'intérim

Le procès se déroule en l'absence d'Atlanco Limited, dont la justice n'a pas réussi à retrouver la trace. Cette agence internationale d'intérim, qui « aurait son siège à Chypre ou à Dublin » selon le président du tribunal Nicolas Houx, est poursuivie pour « travail dissimulé, dissimulation de salariés, prêt illicite de main-d'œuvre et marchandage » de 163 ouvriers polonais et la société roumaine Elco pour celui de 297 Roumains.

Atlanco, au moment des faits, recrutait surtout en Europe de l'Est via 18 bureaux dans neuf pays européens, selon le tribunal. Sous contrat avec Bouygues et Welbond, elle avait un bureau préfabriqué sur le chantier. Elco, qui « selon la procédure avait des locaux sur le chantier de l'EPR, au sein même des locaux de Bouygues » a relevé le président du tribunal Nicolas Houx, a employé 580 salariés en tout sur le chantier entre octobre 2008 et septembre 2011. Cette société roumaine affiche aujourd'hui un effectif total de 500 à 600 personnes en Europe. Elco et Atlanco refacturaient les coûts de main d'oeuvre à Bouygues, ou Welbond.

Des « salariés, payés en espèces, sans feuille de paie »

Pour cette première journée d'audience, les avocats de Bouygues TP ont soulevé différents motifs de nullité de la procédure et plaidé des débats « non équitables » en raison d'une « enquête tronquée » et de documents qui leur ont été remis seulement mardi par le procureur de la République.

Mais le tribunal a décidé dans l'après-midi de ne trancher ces questions qu'après avoir examiné le fond. Flavien Jonquera, avocat de différents organismes CGT qui se sont portés parties civiles, s'est félicité de la poursuite des débats. « Les faits sont parfaitement caractérisés, il y a des noms, des dates, des heures », a-t-il déclaré en marge de l'audience.

Jean-François Sobecki, coordinateur de la CGT sur le chantier de l'EPR, a rappelé de son côté avant l'audience « les conditions de travail et d'hébergement déplorables » des travailleurs employés par les sociétés mises en cause :

« Ces salariés, payés en espèces, sans feuille de paie, avec des retenues sur les tenues et les outils de travail, le non-paiement des jours fériés, sont les otages d'un système d'exploitation organisé à des fins de dumping social (...). J'espère que nous aurons des condamnations exemplaires et dissuasives. »

Les peines encourues peuvent atteindre 225 000 euros d'amende, l'Etat étant susceptible de réclamer de son côté plusieurs millions d'euros de cotisations sociales impayées.

La société Atlanco a déjà été condamnée en février 2014 par le conseil des prud'hommes de Cherbourg à verser six mois de salaire à 59 ouvriers polonais.


Après de nombreux reports, la mise en service du réacteur EPR de Flamanville, dont le chantier a déjà été entaché par diverses irrégularités et des accidents de travail dont un mortel, est prévue pour 2017.

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