L'adjoint de Draghi bientôt gouverneur de la Banque de France


Selon nos informations, Benoît Coeuré, actuel membre du directoire de la BCE, devrait succéder à Christian Noyer au poste de gouverneur de la Banque de France. Claire Waysand, l'actuelle directrice de cabinet du ministre des Finances serait alors nommée à la BCE.

Christian Noyer, l'actuel gouverneur de la Banque de France quittera ses fonctions en octobre prochain. Un départ qui va donner lieu à tout un jeu de chaises musicales. Selon nos informations, c'est Benoît Coeuré, actuellement membre du directoire de la Banque centrale européenne qui devrait lui succéder. Cela fait plusieurs mois que son nom circule, mais les choses semblent se préciser même si, in fine, la décision reviendra au Président de la République, seul habilité à nommer le nouveau gouverneur... Sauf opposition des 3/5e des membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Chaises musicales entre Bercy, la Banque de France et la BCE

Toujours selon nos informations, si la nomination de Benoît Coeuré se confirme, c'est alors Claire Waysand, l'actuelle directrice de cabinet du ministre des Finances Michel Sapin qui pourrait lui succéder dans ses fonctions à la BCE. Claire Waysand et Benoît Coeuré ont, de fait, des profils assez comparables. La première est polytechnicienne, diplômée de l'Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique (Ensae) ainsi que de London School of Economics. Elle a été directrice générale adjointe du Trésor et chef économiste du ministère de l'Economie et des Finances. Très en pointe sur les questions macroéconomiques et européenne, Claire Waysand a siégé au comité économique et financier chargé de préparer les réunions des ministres des Finances de la zone euro. Elle a notamment contribué au plan de sauvetage bancaire d'octobre 2008. Plus récemment, elle était directrice adjointe (en charge de l'économie) du cabinet de l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, avant de rejoindre Michel Sapin aux finances.


Claire Waysand pourrait succéder à Benoît Coeuré à la BCE

Benoît Coeuré lui aussi est polytechnicien et ancien de l'Ensae. Il a également été directeur adjoint du Trésor avant sa nomination décidée par Nicolas Sarkozy en janvier 2012 à la BCE. Il y aurait donc une forme de continuité.

Benoît Coeuré, un franc partisan de la méthode Draghi

En théorie, le mandat de Benoît Coeuré à la BCE  s'achève fin 2019. Il a une position assez modérée et est jugé particulièrement proche de Mario Draghi. Pendant deux ans, il a constitué la garde rapprochée de l'Italien au sein du directoire avec l'Allemand Jörg Asmussen, nommé en même temps que lui et rappelé par le gouvernement fédéral allemand à Berlin en janvier 2014. Benoît Coeuré est un partisan de la méthode Draghi, notamment de ses méthodes non conventionnelles telle la politique d'assouplissement quantitatif. Il a su s'opposer aux résistances allemandes. Sa tribune cosignée avec Jörg Asmussen, précisément, fin septembre 2014, pour demander à l'Allemagne de relancer, est restée dans les mémoires. Sa nomination à la tête de la Banque de France consoliderait la position de Mario Draghi au sein du Conseil des Gouverneurs, surtout si sa successeure au sein du directoire est du même bois que lui. Certes, Christian Noyer n'avait guère montré de volonté de résistance, mais il avait parfois fait preuve de mauvaise humeur, comme lors de son vote négatif sur les rachats de prêts titrisés ou d'obligations sécurisées en septembre dernier.

La question des relations entre la BCE et le pouvoir politique

Reste qu'un tel jeu de chaises musicales ne manquera pas de poser encore la question de l'indépendance réelle de la BCE du pouvoir politique. Un tel jeu n'est certes pas inédit. Christian Noyer, vice-président de la BCE de 1998 à 2002, avait ainsi démissionné en mai 2012 pour laisser la présidence à Jean-Claude Trichet un an et demi plus tard, le remplaçant alors comme gouverneur de la Banque de France. Mais ceci était inscrit dans l'accord qui avait prévu, lors de la création de la BCE, de remplacer à mi-mandat le Néerlandais Wim Duisemberg, nommé président en 1999. 

Le précédent le plus gênant est précisément celui de Jörg Asmussen. Nommé lorsque le très orthodoxe Jürgen Stark avait claqué la porte du directoire de la BCE pour protester contre le « laxisme » de l'institution, ce secrétaire d'Etat aux Finances s'était révélé bien trop proche de Mario Draghi au goût d'Angela Merkel et de Wolfgang Schäuble, son ministre des Finances. Profitant de la constitution de la grande coalition avec la SPD après les élections de septembre 2013, la chancelière avait exigé la démission de Jörg Asmussen. Une démission qu'on a peine à imaginer volontaire dans la mesure où Jörg Asmussen a quitté son poste à la BCE, qu'il remplissait à merveille et où tout se passait bien, pour un rôle subalterne au ministère fédéral allemand de l'emploi.


C'était donc une décision politique qui consistait à remplacer au directoire de la BCE une « colombe » par un « faucon », autrement dit la vice-présidente de la Bundesbank, Sabine Lautenschläger. Une décision politique que Mario Draghi avait dû accepter, bon gré mal gré, comme, en avril 2014, le remplacement très politique du gouverneur de la Banque centrale de Chypre Panicos Demetriades... Le jeu de chaises musicales français est certes moins polémique dans la mesure où le personnel en cause est bien moins marqué sur le plan doctrinaire.

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