Les milliardaires latino-américains font des affaires en or en Espagne


Les rôles se renversent. Alors que l'Espagne est en crise, les riches latinoaméricains, comme le mexicain Carlos Slim, en profitent pour faire des affaires.

 Le milliardaire mexicain Carlos Slim lors d'un discours à Mexico, le 2 octobre 2006, avec Enrique Santos et l'ancien Premier ministre espagnol Felipe González - AFP/Susana Gonzalez

L'Espagne traverse une situation économique très difficile. Mais comme le dit un proverbe chinois bien connu, les crises des uns font les affaires des autres. Les grandes fortunes d'Amérique latine savent que l'Espagne offre en ce moment des opportunités d'investissements juteux et se sont mobilisées. Ces derniers mois, les milliardaires latino-américains ont donné l'ordre d'investir dans des secteurs stratégiques comme la banque, l'alimentation, l'énergie, le transport et la construction navale.


La preuve la plus récente que le vent a tourné dans la relation entre l'Espagne et l'Amérique latine est le baroud déclenché à la compagnie pétrolière Repsol par un associé qui avait toujours été un allié fidèle et discret : Petróleos Mexicanos (Pemex). La compagnie publique mexicaine, qui détient 9,34% du capital de Repsol, a fait pression sur la direction de Repsol pour qu'elle règle le différend qui l'opposait à l'Argentine depuis l'expropriation d'YPF.

Dans le combat à adversaires multiples de Repsol et YPF est apparu le nom du milliardaire mexicain Carlos Slim. Ce n'est pas un hasard. Le Mexicain a lui aussi des vues sur l'Espagne. Il est actionnaire d'YPF (à hauteur de 8%), de Gas Natural Fenosa (Espagne), de Gas Natural Fenosa México et de Caixabank-Criteria. Il est associé de La Caixa (caisse d'épargnes et de retraites de Barcelone) à travers sa banque, Inbursa, ainsi qu'ami personnel de l'ancien chef du gouvernement espagnol Felipe González (conseiller de Gas Natural) et important soutien financier de la banque catalane.
En 2012, sa société immobilière, Carso, a acheté 439 immeubles de bureaux appartenant à La Caixa pour la somme de 400 millions.

Mais Slim n'est pas le seul milliardaire célèbre qui ait décidé de miser sur l'Espagne, ce qui dans la pratique revient à prendre des positions sur le marché, vieux mais intéressant, de l'Union européenne. Le Colombien Jaime Gilinski et le Mexicain David Martínez ont déboursé 425 millions d'euros pour s'approprier 10% de la banque Sabadell (cinquième groupe bancaire à capital privé espagnol).

Jaime Gilinski, fils d'Isaac Gilinski (nommé ambassadeur de Colombie en Israël en 2009), a d'importants intérêts dans le secteur bancaire, l'alimentation et les télécommunications. Classé par Forbes quatrième homme le plus riche de Colombie, il est à la tête du Gilinski Group, le plus grand consortium d'entreprises du pays, et dirige le fonds Itos Holding, qui a réalisé d'importants investissements dans des entreprises et des banques.

Martínez, l'autre grand et nouveau actionnaire de Sabadell, n'est pas non plus un inconnu. Il dirige Fintech, un fonds alimenté par les grandes fortunes d'origine mexicaine, qui entre autres négoces contrôle 40% du groupe Cablevisión. Martínez a été avec d'autres familles mexicaines l'un des principaux actionnaires de la banque Bancomer, qui appartient aujourd'hui à la banque d'origine basque BBVA.

Slim, Gilinski et Martínez mettent des visages sur la vague d'investissement des fortunes latino-américaines de l'autre côté de l'Atlantique. Cette vague déferle en continue depuis plusieurs mois. La crise, qui a fait baisser les prix à des niveaux très attractifs, amène l'argent vers des secteurs très divers.
L'été dernier, à quelques jours d'écart à peine, deux importantes opérations d'achats ont été conclues par des capitaux latino-américains. L'entreprise mexicaine de transport de passagers ADO a acheté l'espagnole Avanza (5 200 employés, 411 millions de chiffre d'affaires en 2011) au fonds de capital-risque britannique Doughty Hanson, qui en était propriétaire depuis 2006. Coût estimé de l'investissement : autour de 800 millions d'euros.

Le fonds mexicain Fibra Uno, spécialisé dans la location d'immeubles, a pour sa part acheté 278 succursales de la banque Sabadell pour 300 millions d'euros. Une opération calquée sur celle de Slim avec La Caixa. Les immeubles faisaient partie d'un paquet de 378 actifs immobiliers que MoorPark, un fonds britannique, avait acheté en avril 2010 au Banco Sabadell par une opération de lease-back.


L'argent marque les différences et établit des hiérarchies. Le temps où les grands patrons espagnols se retrouvaient dans les salles VIP des aéroports lors de leurs fréquents voyages d'achats de l'autre côté de l'Atlantique appartient au passé. Aujourd'hui, et dans le meilleur des cas, ils jouent le rôle de messagers entre des puissants qui parlent espagnol avec un autre accent.

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