Syrie : les médias occidentaux belliqueux mais discrédités. Démocratie : one point !



Il n’aura échappé à personne ce 29 août 2013 que la presse de masse française s’est positionnée depuis une semaine en faveur d’une intervention militaire en Syrie, avec des commentaires et des dépêches plus ou moins explicites et notamment le fameux glissement sémantique de l’attaque chimique probable, puis de faisceaux de preuves convergentes pour aboutir à un massacre chimique et même un gazage des enfants selon les termes du président Hollande repris par les médias. 

Sans attendre même les rapports de l’ONU. Mais maintenant, la preuve d’une attaque chimique se fissure, pas seulement dans l’opinion publique mais aussi dans les parlements occidentaux. 


Pendant cette séquence on aura pu lire quelques exhortations provenant de la presse française pour que l’intervention se décide rapidement, parce qu’il est impossible de ne pas répondre, parce qu’il faut punir l’affreux Assad qui a franchi la ligne rouge. 

On imagine cette pulsion belliqueuse dans les salles de rédaction avec les rédacteurs et les journalistes rivés sur quelques images et vidéos et décidant, comme s’ils étaient dans un bureau du Pentagone, qu’il faut bombarder la Syrie. En louant Hollande qui ce 29 août doit maintenant faire profil bas, comme tous des journaleux qui l’ont encensé comme chef de guerre.

Ils ont l’air malins maintenant, tous ces va-t-en guerres, surtout ceux du Monde, désavoués par les nouvelles récentes. Les parlementaires britanniques sont devenus réticents, se souvenant des AMD en Irak qui ont poussé des dizaines de milliers de soldats de la Couronne à occuper le sud de l’Irak alors que personne ne trouva par la suite ces mystérieuses armes. 

Les observateurs attentifs de Rue89 n’ont pas hésité à titrer sur la leçon de démocratie donnée à la France par les britanniques avec un vrai débat public à la chambre des Communes et un veto infligé à Cameron. Du côté des Etats-Unis, le camp de la guerre n’est pas mieux loti car quelques conseillers de l’administration Obama doutent de la véracité de la thèse d’un Assad décidant depuis son bureau d’une attaque chimique. 

Si elle a eu lieu, il n’est pas possible d’établir qui a donné l’ordre ni quelle faction l’a réalisée. Beaucoup trop de doutes subsistent. Et le Congrès veille sur cette affaire. D’autant plus que les AMD en Irak et surtout l’intervention américaine en Libye ont laissé des traces incitant au doute et même au soupçon.

Il a cependant un phénomène des plus intéressants qui s’est passé aux Etats-Unis. Comme en France, et encore plus, la presse de masse s’est déchaînée, affichant des intentions belliqueuses, agressives, pour ne pas dire militaristes, incitant le président Obama à foncer et pilonner le régime syrien. 

Bien évidemment, les dépêches et les éditos diffusés dans ces médias ont été rédigés dans des salles de rédaction où devaient tourner en boucle les images du massacre du 21 août. Enfin, c’est une image mais elle parle pour ce que peut être la réalité de la production des informations de masse et de l’hégémonie d’une version estampillée presse grand public. 

Lequel public, et c’est un événement considérable, ne semble pas du tout suivre les injonctions médiatiques, avec seulement un dixième d’Américains soutenant sans condition l’intervention contre la Syrie selon le médias alternatif Mint Press qui reproduit les résultats d’un sondage des plus sérieux. 

Ce même site web qui prétend que les médias sont les principaux amplificateurs de l’appel aux armes pour frapper la Syrie. Et que les voix dissidentes ne sont pas aisément accessibles au lecteur ordinaire. Alors que les grands médias ne se contentent pas d’être la voix de l’Etat comme ce fut souvent le cas car ils se sont institués en tant que voix officielle de la nation, arrogant au point de donner des ordres aux gouvernants.

Cet intense séquence d’épisodes dans la géopolitique et la médiatique gravitant autour de la question syrienne a permis de dévoiler des phénomènes sociaux qu’on connaissait déjà mais qui se sont accentués en prenant un aspect propre à la nature de l’événement. 

On aura constaté la militarisation d’une presse de masse qui semble, du moins sur ce cas, se positionner comme une voix de l’Etat, diffusant des infos et des analyses sans offrir au citoyen une marge de manœuvre pour critiquer la situation et mettre en balance deux options. Si ce travers médiatique n’est pas accidentel, alors on pourra penser à l’avènement d’une presse qui joue contre la démocratie et qui défend des options, des factions, des intérêts privés et autres choses sectorisées.

 A l’appui de ce dossier, rappelons la propagande utilisant des statistiques tronquées sur la grippe, incitant les populations à se vacciner. 

Les médias de masse sont au fond des médias d’Etat. Ils font comme l’Etat, se mettant souvent au service d’intérêts oligarchiques ou sectoriels. Ils le font même avec un zèle d’autant plus décomplexé qu’ils sont pratiquement immunisés contre les sanctions, commentant tout sans décider de rien, contrairement aux dirigeants qui sont responsables de leurs actes.

Mais pour revenir sur la crise syrienne et le militarisme des médias, on ne sera pas surpris si l’on a lu les écrits de Henry Giroux et notamment le dernier faisant état d’un esprit militarisé ayant gagné les élites, les professeurs, les médias et de ce fait, ayant contaminé toutes les couches de la population, ce qui rend assez mystérieux cette opposition populaire à l’intervention en Syrie.



On retiendra donc un premier point, celui d’un glissement de la presse vers le stade de média d’Etat (sans contrôle étatique !) et donc, comme on s’en doute, contraire aux intérêts démocratiques. Cette presse l’a d’ailleurs montré, offrant une info à sens unique qui ne permet pas d’asseoir l’esprit critique citoyen. Néanmoins, des séquences plus éclairées sont aussi diffusées et il faut les capter. Sans doute les citoyens ont acquis ce sens du doute et de l’enquête, sans qu’une étude ait pu l’établir mais c’est encourageant. Les consommateurs d’info sont de moins en moins dociles. 

Et c’est le second enseignement à tirer. Avec évidemment l’avènement d’une presse anti-système dont j’ai fait état dans une précédente recension. Il ne faut pas trop espérer mais peut-être se dessine une sortie de l’illettrisme médiatique, un peu comme au 18ème siècle, les populations sont sorties de l’illettrisme au sens propre.

L’affaire syrienne suit son cours et l’on risque d’apprendre quelques nouvelles étonnantes sur les Qataris et Saoudiens qui se livrent une guerre par procuration sur le territoire syrien, armant des factions rebelles, avec peut-être des armes chimiques… à suivre

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