Les services de sécurité étudient la liste des 22.000 noms de Daech


Londres et Berlin analysent des milliers de formulaires de recrutements de djihadistes qui ont rejoint l'Etat islamique révélée par Sky News.
Ce pourrait être le «WikiLeaks» de l'Etat islamique. Une liste comportant 22.000 noms de recrues de l'organisation terroriste a été obtenue par des médias britanniques et allemands. Une découverte majeure, quand on sait que les troupes de l'EI ont été évaluées à environ 30.000 hommes par la CIA.



La police criminelle fédérale allemande a jugé ces documents «très probablement authentiques». Le ministre de l'intérieur Thomas de Maizière a souligné qu'ils permettaient de comprendre «les structures sous-jacentes de l'organisation terroriste» et permettraient de faciliter et d'accélérer les poursuites contre les candidats au djihad en Allemagne.

Le ministère de l'Intérieur britannique et la place Beauvau à Paris se refusaient à tout commentaire. Un porte-parole de Downing Street a déclaré n'avoir pas eu connaissance de ces documents jusqu'à présent et étudier «la façon dont nous pouvons utiliser ces informations pour lutter contre Daech». Les services de sécurité suédois ont pour leur part indiqué qu'ils en connaissaient l'existence.

Clé USB dérobée

La chaîne britannique Sky News, le journal allemand Süddeutsche Zeitung, ainsi que le site d'opposition syrien Zaman al-Wasl ont publié des extraits de ces listings. Sky News affirme les avoir obtenus sous forme d'une clé USB dérobée au chef de la police du «califat» et transmise en Turquie par un membre repenti de Daech. Il apparaît le visage masqué sous le pseudonyme d'Abou Hamed dans une interview diffusée par la chaîne d'information. «Cette organisation est une escroquerie, ce n'est pas l'islam», affirme-t-il dans la vidéo, assurant espérer que ces documents permettent «si Dieu le veut» de détruire l'EI.

Les listings recèlent une mine d'informations. Outre leurs noms, les formulaires contiennent les réponses à 23 questions remplies lors du recrutement des djihadistes. Date et lieu de naissance, niveau d'éducation, compétences particulières, expérience du combat, adresse et téléphone, groupe sanguin, ils dévoilent aussi le nom de l'intermédiaire qui les a recrutés, leur date d'arrivée en Syrie et les pays traversés pour y parvenir. Y est aussi mentionné leur «niveau de compréhension de la charia». Une case est prévue pour la date de leur décès et le nom de la personne à contacter dans ce cas. L'un des dossiers intitulé «martyrs» fournit des précisions sur un groupe de membres de l'EI entraînés à devenir des kamikazes lors d'attentats, affirme Sky News.

«Une mine d'or»

Pour les services de renseignements, ces données sont «une mine d'or du plus haut intérêt», selon l'ancien directeur des opérations antiterroristes au MI6 Richard Barrett. Elles devraient en effet permettre de mettre en lumière des filières de recrutement et des intermédiaires responsable de la radicalisation, ainsi que d'affiner la surveillance ou l'interpellation de djihadistes à leur retour en Europe. Plusieurs noms figurant sur ce fichier sont déjà connus, comme ceux d'Abdel Bary, ancien rappeur londonien âgé de 26 ans parti en 2013, ou de Junaid Hussain, responsable de la propagande de Daech, tué par une frappe de drone.

Mais les identités de nombreux combattants inconnus des services de renseignement sont également susceptibles d'y figurer. Des ressortissants de 55 pays seraient identifiés dans ces listes. Plus de 70% proviendraient du Moyen-Orient. Parmi les Européens, le premier contingent serait issu de la France, suivi de l'Allemagne et du Royaume-Uni.

Doublons et questions sur l'authenticité

L'existence de ces documents ne surprend pas les spécialistes de l'Etat islamique, qui a hérité du régime baasiste de Saddam Hussein ses réflexes bureaucratiques. Mais les experts s'appliquaient à décrypter l'étendue réelle et l'authenticité des informations obtenues. Selon Zaman Al-Wasl, de nombreux doublons limiteraient le total à 1 700 noms. Ces fichiers pourraient dater d'avant la proclamation du califat par l'Etat islamique, en juin 2014. Des questions se posent également sur l'authenticité des documents, notamment des logos et de la rhétorique utilisées, qui ne correspondent pas forcément aux habitudes de Daech.


Si elle se révèle authentique, la fuite serait cependant un coup dur pour le régime islamiste installé au nord de l'Irak et à l'est de la Syrie. «Cela montre que l'EI est vulnérable aux siens qui se retournent contre lui», commente Chris Phillips, directeur général du cabinet international Protect and Prepare Security Office. Cela révèle l'existence de dissidences et pourrait, selon certains spécialistes, augurer de l'implosion potentielle de Daech en factions rivales. Selon le journaliste de Sky News Stuart Ramsay, sa source lui aurait affirmé que l'Etat islamique serait sur en train d'abandonner son fief de Raqqa, au nord-ouest de la Syrie. «Ces informations doivent évidemment être utilisées. Elles appartiennent à ceux qui combattent l'Etat islamique», enjoint le repenti.

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