L’histoire cachée des Femen


Communistes et rouge-bruns, les premiers alliés. L’histoire cachée des FEMEN (1/3)

Cette première partie est consacrée à FEMEN…avant FEMEN.
Cette enquête, qui aurait pu s’appeler "le poids des mots, le choc des photos" raconte l’histoire des FEMEN à la lumière de leurs alliances politiques et de leurs nombreux dérapages, souvent passés sous silence. Une gageure.

Dossier FEMEN
  • Communistes et rouge-bruns, les premiers alliés. L’histoire cachée des FEMEN (1/3)
Les politologues ukrainiens considèrent unanimement FEMEN comme un projet politico-commerciale et ne se sont jamais véritablement penchées sur le sujet. A force d’incohérences, le mouvement "caméléon" a lassé leur pays, avant d’être fatalement discrédité.

En France, il a su rebondir, bénéficiant de soutiens jusqu’au Parti de gauche.
De leur côté, les médias nous ont inondé du story-telling "Féméniste". Jusqu’à ce qu’éclate le scandale de la Biennale de Venise, qui révéla la personnalité machiste de Viktor Sviatski, qui a longtemps dirigé FEMEN au côté d’Anna Hutsol. L’image du mouvement s’est brouillé. Son étoile pâli.  Un contre-récit s’imposait.

Les photos exclusives que je révèle rendent le propos difficilement contestable :
Né dans le creuset communiste et antifasciste ukrainien, FEMEN ne s’en est pas moins associé, de façon répétée, à des mouvements réactionnaires, voire ultranationalistes (2/3). Avant de se réfugier en France, grâce à la bienveillance d’une certaine mouvance néoconservatrice (3/3). Démonstration.
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En Ukraine s’opposent depuis longtemps, sans besoin d’être caricatural, deux camps. L’Est du pays, russophile et "antifasciste", incarné par l’alliance d’une partie de la droite avec le Parti communiste. Et l’Ouest du pays : nationaliste et occidentaliste. Les figures de cette dernière tendance nous sont bien connues : Viktor Ioutchenko, Ioulia Timochenko… Or, il y a quelques années de cela, on a vu les fondateurs des FEMEN passer brusquement d’un camp à un autre. Un revirement qui signe l’imposture. Ce qui a valu aux FEMEN d’être qualifié de "political technology" par les spécialistes ukrainiens. Dans cette première partie, je m’attèlerai donc à une histoire des alliances politiques des FEMEN et par la même occasion à une généalogie de leur positionnement xénophobe.

FEMEN, une "Political technology" ?

Political technology, kezako ? Il s’agit de la manipulation politique poussée à son extrême. Les outils pour ce faire nous sont familiers : storytelling, désinformation,  "triangulation"… Mais l’usage étendu et intensif qui en est fait dans les pays d’ex-URSS, où il s’agit d’une véritable petite industrie, nous est inconnu. Dans la plupart des cas, il s’agit de manoeuvres d’un pouvoir autoritaire pour se maintenir en place, via la tromperie. 

FEMEN est depuis longtemps considéré comme prestataire de ce type de service. Mais dans leur cas, elles auraient fait évoluer leurs positions au gré des médias et de leurs soutiens financiers/politiques du moment. Il serait donc faux d’affirmer que FEMEN aurait été créé par un marionnettiste dont elles auraient défendues les intérêts tout le long. Elles ont avant tout défendues les leurs. Néanmoins, nous révélerons quelques accointances politiques/financières jamais mentionnées jusque là, à même d’éclairer d’un jour nouveau certaines de leurs prises de positions.

[Un exemple de political technology présumé : la mise sur orbite, il y a quelques années, par des médias proches du président Ianoukovitch d'un de ses opposants politiques, Vitali Klitschko. Une ex-vedette sportive que rien ne prédestinait à la politique. Diviser pour régner…]

FEMEN avant FEMEN : dans le giron du parti communiste et du camp russophile

La figure FEMEN la plus connue du public français est Inna Shevchenko. Mais la véritable chef des FEMEN est Anna Hutsol, en duo avec son vieux camarade Viktor Sviatski. Présenté comme un "publicitaire", ce dernier est surtout un professionnel de la politique.

Originaires de la ville de Khmelnytsky (300 000 habitants), le livre autobiographique FEMEN (qui sera mentionnée dans la suite de cette article par "cf. FEMEN"),  rapporte la rencontre d’Hutsol  avec Sviatski au début des années 2000, au sein d’un "cercle de rue marxiste" dont il est le "mentor".  Romantique. L’ouvrage passe sous silence  leur engagement commun au sein du "komsomol", le mouvement de jeunesse du Parti Communiste.


Oksana Chatchko (co-fondatrice FEMEN) avec les jeunesses communistes (Khmelnytsky)
Partis du Komsomol, Hutsol et Sviatski partent fonder de leur côté deux  mouvements étudiants, fin 2005 : le Centre de perspectives de la jeunesse (un syndicat)  et Nouvelle Ethique (organisme de femmes préfigurant FEMEN). Ils sont lancés de façon opportune sous les auspices d’Olga Ivanovna Ugrak, qui est alors la candidate du Parti communiste aux élections municipales. C’est elle qui héberge le Centre de perspectives. Quant à Nouvelle éthique, c’est chez Sviatski qu’elle trouve refuge (cf. 

autobiographie FEMEN) La création de ces organismes permettent vraisemblablement à la communiste de rajeunir l’image du Parti et d’élargir le soutien groupusculaire qu’aurait constitué les jeunesses communistes. Anna Hutsol sera directement partie prenante de la campagne de la communiste (cf. FEMEN).


Au centre et côte à côté, la communiste Olga Ivanovna et Viktor Sviatski . A gauche Anna Hutsol. Soirée de nouvel an du Centre de perspectives de la jeunesse
Cette campagne municipale marque un tournant : Sviatski et Hutsol arrêtent la politique "sérieuse", illustrée par leur passage au sein des jeunesses communistes, pour faire de la politique un commerce (médiatique).

Au service d’un parti "rouge-brun"

Après l’issue désastreuse de la campagne du Parti Communiste (3% des voix), il faut  se trouver un nouvel allié pour Hutsol et ses amis. Ce sera le tout nouveau mais bien pourvu "Grande Ukraine". Les dirigeants du Centre de perspectives (Sviatski, Golenshin, Alexandrovich) deviennent des cadres du parti et Nouvelle éthique un satellite. Grande Ukraine est dirigé par l’énigmatique Igor Berkut. Ex-espion autoproclamé, ce millionnaire est un ancien propriétaire de banques au Kazakhstan et en Russie. Il passe lui aussi pour un "mercenaire" de la politique et son parti se voit accuser de relever de la "political technology". Il a signé un livre relayant les thèses de son "frère" Poutine.


De gauche à droite : Drapeaux Grande Ukraine, Viktor Sviatski (Centre de perspectives/Grande Ukraine), Sasha Shevchenko (qui dirige alors Nouvelle éthique, future co-fondatrice des FEMEN), Igor Berkut (Grande Ukraine) 10/2007


Viktor Sviatski à des manifestation de Grande Ukraine, dont il est alors un cadre (2008)
Grande Ukraine, parti "social-patriotique" vaguement de gauche appartient donc à l’instar du parti communiste au camp pro-russe. Son soutien extensif à la peine de mort lui vaut d’être médiatisé et ses préconisations anti-immigrés (qui comprend le positionnement à la frontière de "clubs militaro-patriotiques") un certain intérêt sur les forums d’extrême-droite. En 2010, il se déclarera (très sérieusement) en faveur d’une "bonne dictature démocratique"…

C’est vraisemblablement à son contact qu’Hutsol et Sviatski découvrent le business des "political technology".  On verra ainsi Sviatski et Grande Ukraine organiser, de façon étrange pour des syndicalistes étudiants, une action en défense des intérêts…viticulteurs.

Durant ces années, de 2006 à 2008, le mouvement de femmes Nouvelle éthique expérimente de son côté les coups d’éclats médiatiques à base de flashmobs.

Exemple en avril 2008, avec un lâcher de ballons. Sasha Shevchenko témoigne alors :
"Nous étions sur Internet, à la recherche de quelque chose d’intéressant et sommes accidentellement tombés sur la Journée de la femme"
Les prémisses des FEMEN sont posées.

Avant de passer à la naissance en tant que tel de FEMEN (ici), il est intéressant de révéler une dernière photo, tant elle illustre d’où le mouvement est issu et combien la présentation qui est généralement faite des FEMEN comme de l’enfant naturel de la Révolution Orange (présentée comme pro-occidentale et donc faisant partie du "camp du bien") est erronée. Elle montre Anna Hutsol en juin 2008, posant fièrement à une rassemblement anti-OTAN organisé par le Parti socialiste progressiste, organisation orthodoxe "panslave" (pour une intégration Russie/Biélorussie/Ukraine).



Banderole anti-OTAN et anti-Bandera (figure historique "controversée" du nationalisme ukrainien)

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