Pour combler ses déficits, l’Espagne vend un quart de son patrimoine national



(Note on commence a comprendre le pourquoi de l'Europe tout acheter a petit prix cela était impossible avant)

Pour faire face à ses difficultés financières persistantes – son déficit public dépasse les 70 milliards d’euros en 2012 -, l’Espagne a décidé de mettre en vente environ un quart de son patrimoine public, dont de vastes espaces naturels. L’un des joyaux de cette grande braderie publique de plus de 15 000 biens, qui va de bâtiments emblématiques des plus belles rues de Madrid à des terrains non constructibles en bordure d’autoroute ou de voie ferrée, est le domaine de l’Almoraima, en Andalousie.


La propriété est une petite merveille, unique en Europe. Elle couvre plus de 14 000 hectares – il s’agit de l’un des plus grands latifundios existant encore sur le Vieux Continent -, dont 90 % appartiennent au parc naturel Los Alcornocales, l’un des exemples les plus spectaculaires de forêt méditerranéenne primaire. S’étendant de la pointe ventée de Tarifa, sur la côte sud, à la sierra de Grazalema, une centaine de kilomètres plus au nord, ce parc de 170 000 hectares abrite aussi la plus grande formation de chênes-lièges de toute la péninsule ibérique.

Sa végétation, datant du tertiaire, est caractéristique de la laurisylve, un type de forêt subtropicale humide composée d’oliviers sauvages, de lauriers, de frênes, de caroubiers, de palmiers nains, de rhododendrons ou encore de cistes, de cytises ou de bruyères. Sa faune est également extrêmement riche avec plus de deux cents espèces de vertébrés, dont des colonies importantes de chevreuils, cerfs, sangliers, chats sauvages, loutres, aigles et vautours.

ÉCOLOGISTES ET AUTORITÉS LOCALES OPPOSÉS À LA VENTE
Le parc, situé à cheval sur les provinces de Cadix et Malaga, parmi les plus touristiques d’Espagne, a jusqu’à maintenant résisté à la pression des promoteurs immobiliers qui ont bétonné les plages de la Costa del Sol voisine.

Afin de faciliter la vente de l’Almoraima, dont le prix de marché actuel dépasserait 180 millions d’euros, le gouvernement a fait adopter un plan de développement du site incluant l’autorisation de créer deux parcours de golf et de construire un hôtel cinq étoiles et un aérodrome, condition sine qua non pour attirer les riches clients russes ou du Golfe habitués de Marbella, le Saint-Tropez local.

Le ministre de l’agriculture et de l’environnement, Miguel Angel Arias Cañete, a indiqué début août que la vente pourrait prendre du temps, mais que l’Etat était déterminé à ne pas rester l’actionnaire principal du domaine. Le gouvernement assure qu’il sera attentif au profil de l’acheteur, afin de préserver les caractéristiques uniques du lieu, et que le développement de l’activité de tourisme de luxe se fera principalement sur les terrains qui sont en dehors du parc naturel de Los Alcornocales.

Mais les écologistes et les autorités locales, qui s’opposent à la vente, estiment que les espaces naturels souffriront nécessairement s’ils sont privatisés. « On espère que la protection du parc naturel sera suffisante pour freiner les agressions éventuelles contre cet endroit unique, mais le fait que 1 300 hectares soient en dehors du parc nous fait craindre le contraire », explique Juan Casanova Correa, le maire de Castellar de la Frontera, le village sur lequel se trouve la Almoraima.

La municipalité, gouvernée par la Gauche unie, d’obédience communiste, s’est alliée aux écologistes locaux et aux syndicats qui représentent la centaine de personnes qui travaillent au cours de l’année sur le domaine de l’Almoraima, pour réclamer un modèle économique alternatif.

Ils militent pour le développement de l’industrie du liège, la promotion de l’agriculture biologique et du tourisme rural, et la création d’un parc d’activités « vert ». Pourrait s’y installer une centrale à biomasse, qui générerait une cinquantaine d’emplois supplémentaires.

URBANISATION DÉBRIDÉE

« Nous sommes d’accord pour valoriser le domaine, mais nous ne voulons pas revenir au Moyen Age et être gouvernés par un nouveau seigneur, dit le maire. Nous misons sur une agriculture écologique, sur la transformation agricole et, en définitive, sur une vision plus sociale, publique et environnementale du domaine. » Il reconnaît toutefois qu’il a peu de cartes en main pour freiner le projet du gouvernement et qu’il lui faudra sans doute composer.

Autres projets controversés, le reclassement, par des régions gouvernées par le Parti populaire, comme la Castille-La Manche, de forêts du domaine public en réserves privées de chasse, afin de faciliter leurs ventes.

Ces cessions interviennent alors que le gouvernement central vient d’approuver une nouvelle loi sur le littoral très controversée. Votée en mai avec les seules voix du Parti populaire, la nouvelle ley de costa interdit toute nouvelle construction sur le littoral espagnol. Mais elle entérine aussi l’existence de quelque 125 000 logements et d’un millier de bâtiments commerciaux et industriels construits au cours des années 1990 et 2000 au mépris total de la loi.

Elle réduit, par ailleurs, de 100 à 20 mètres la limite de protection du littoral depuis le rivage, et place dans les mains de mairies surendettées – dont les responsables font parfois l’objet de poursuites pour corruption – la décision d’urbaniser ou non les zones limitrophes, avec un simple droit de regard pour le ministère de l’environnement.

Le gouvernement estime que cette loi était nécessaire pour mettre de l’ordre dans le chaos qui régnait, avec nombre de bâtiments ne disposant pas des permis de construire ou des autorisations nécessaires. Ecologistes et opposition y voient, quant à eux, une privatisation du littoral, ouvrant la porte à une nouvelle phase de spéculation immobilière et d’urbanisation débridée.

Source : Le Monde

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