Maladie de Lyme : une expérimentation secrète du Pentagone qui aurait dérapé ?


La Chambre des représentants des Etats-Unis a demandé au ministère de la défense américain d’enquêter sur d’éventuelles expériences menées entre 1950 et 1975.

Les militaires américains ont-ils, entre 1950 et 1975, effectué des expériences sur des tiques pour en faire des armes biologiques ?

L’armée américaine a-t-elle participé à la propagation de la maladie de Lyme ? La Chambre des représentants des Etats-Unis a ordonné, jeudi 11 juillet, à l’inspecteur général du ministère de la défense américain d’examiner si le Pentagone avait mené entre 1950 et 1975 des expériences visant à utiliser des tiques et d’autres insectes comme armes biologiques.

Le représentant républicain du New Jersey Chris Smith avait déposé un amendement à la loi de défense nationale (National Defense Authorization Act), qui fixe le budget pour 2020. L’amendement de M. Smith et le projet de loi ont été adoptés par la Chambre des représentants, mais doivent encore passer au Sénat.

Le Républicain dit vouloir faire la lumière sur ces soupçons, alors qu’« un certain nombre de livres et d’articles suggèrent que des recherches importantes ont été faites sur des sites du gouvernement américain pour transformer les tiques et autres insectes en armes biologiques ». « Si c’est vrai, quels étaient les paramètres du programme ? Qui l’a commandé ? », a demandé Chris Smith durant le débat à la Chambre.

Principale maladie transmise par les tiques, celle de Lyme reste largement énigmatique. Identifiée dans les années 1970 aux Etats-Unis dans la ville de Lyme (Connecticut), elle est transmise à l’homme par une piqûre de tique Ixodes infectée par une bactérie appelée « Borrelia burgdorferi », de la famille des spirochètes.

Pas moins de 900 espèces de tiques sont recensées dans le monde. Cet arthropode, principalement présent dans les zones dont le niveau d’humidité est d’au moins 80 %, notamment en forêt, se nourrit du sang de ses hôtes (oiseaux, chevreuils, bovins, chats, etc.). Selon les centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains, plus de 300 000 personnes sont touchées par la maladie de Lyme chaque année aux Etats-Unis.

Un livre qui relance les débats

Dans un livre publié en mai outre-Atlantique et cité par le représentant Smith, une scientifique de l’université Stanford et ancienne malade de Lyme, Kris Newby, affirme que l’épidémie provient d’une expérience militaire ayant mal tourné. Bitten : The Secret History of Lyme Disease and Biological Weapons (Harper Collins, non traduit en français) cite notamment Willy Burgdorfer, scientifique suisse naturalisé américain ayant identifié en 1981 l’agent infectieux portant aujourd’hui son nom.

Selon le Guardian, ce spécialiste des maladies transmises de l’animal à l’homme – mort en 2014 – qui a travaillé comme chercheur sur les armes biologiques pour l’armée américaine y déclare qu’il était chargé d’élever des puces, des tiques, des moustiques et d’autres insectes suceurs de sang, et de les infecter avec des agents pathogènes qui causent des maladies humaines.

Le livre fait également état de programmes visant à larguer des tiques et d’autres insectes infectés depuis les airs. Citant toujours M. Burgdorfer, l’autrice assure que des insectes non infectés ont été lâchés dans des zones résidentielles aux Etats-Unis afin de retracer leur propagation. Le scientifique suggère que cette expérience aurait pu mal tourner et mener à l’éruption de la maladie de Lyme aux Etats-Unis.

L’enquête du Pentagone devrait permettre d’évaluer la portée de l’expérience et de déterminer « si des tiques ou des insectes utilisés dans une telle expérience ont été rejetés à l’extérieur d’un laboratoire par accident ou si cela faisait partie de l’expérience ».



La ville de Lyme, d’où la maladie tire son nom, se trouve à seulement 15 kilomètres d’un laboratoire du gouvernement américain, le Plum Island Animal Disease Center. Ce laboratoire n’a ouvert ses portes à la presse qu’en 1992 et ses activités sont longtemps restées secrètes. En 2002, le contrôle du Plum Island Animal Disease Center est passé du Département de l’Agriculture à celui du Département de la Sécurité intérieure (NHS).

Ce centre de tests biologiques, situé dans l’État de New York et ouvert en 1954, a bien mené des expériences basées sur « la contamination de mouches, de moustiques et de tiques avec des germes biologiques ». Des tiques « biologiquement militarisées » auraient pu s’en échapper vers 1975 et auraient provoqué l’apparition de la maladie qui ne serait pas une simple infection bactérienne.


En attendant les résultats de l’enquête parlementaire, les recherches militaires sur les insectes se poursuivent aux États-Unis. Plum Island Animal Disease Center va fermer en 2023 mais les travaux qui y sont conduits se poursuivront à partir de mai 2021 dans un nouveau laboratoire installé dans le Kansas et baptisé National Bio and Agro-Defense Facility (NBAF).



Le DoD s'intéresse aux micro-drones qui peuvent opérer dans des espaces minuscules. | DARPA
Parallèlement, le Pentagone poursuit ses recherches. La fameuse DARPA, la Defense Advanced Research Projects Agency, ne se contente pas de développer des microdrones de la taille d’insecte dans le cadre du projet SHRIMP (SHort-Range Independent Microrobotic Platforms) que conduisent Honeywell International Inc. Automation and Control Solutions (ACS) et la Rutgers University (New Brunswick).

Elle mène actuellement un programme défensif baptisé « Insect Allies » pour développer des espèces capables de combattre d’autres espèces invasives, voire introduites par des terroristes ou des États-voyoux.

Pour la DARPA qui a été accusée de modifier des insectes pour disséminer des virus de façon offensive, « il ne s’agit nullement de créer une nouvelle arme bactériologique, nos buts sont pacifiques et visent à assurer la sécurité alimentaire nationale». Elle assure que les tests ont lieu dans des espaces confinés, sécurisés et que les « insectes alliés » ne sont pas destinés à être remis en liberté.

Un autre projet de la DARPA vise à implanter des cerveaux d’insectes (!) dans des robots. L’appel d’offres date de janvier 2019 et est intitulé « Microscale Bio-mimetic Robust Artifical Intelligence Network ».

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