Produire in vitro des spermatozoïdes humains ?


(Une stérilisation de masse avec des perturbateurs endocriniens, après les semences végétales voici la plus rentable des semences du futur, "la semence humaine")

Des chercheurs français annoncent être parvenus à obtenir in vitro des spermatozoïdes humains complètement formés à partir de tissus testiculaires. Des travaux encore à confirmer par une publication scientifique.
Le projet thérapeutique poursuivi est de pallier une stérilité masculine par défaut de développement de spermatozoïdes matures.  

Des chercheurs de la société de biotechnologie Kallistem, implantée à Lyon et qui valorise les travaux de recherche de Philippe Durand et Marie-Hélène Perrard, deux spécialistes de la biologie de la reproduction masculine, ont annoncé mercredi 6 mai 2015 ce qu’ils présentent comme une "première mondiale" : l'obtention in vitro de spermatozoïdes humains complètement formés à partir de biopsies testiculaires de patients ne contenant que des cellules germinales immatures (spermatogonies), en l’occurrence donc d’hommes stériles.

Si elle était confirmée par la publication dans une revue internationale à comité de lecture, cette nouvelle serait une véritable avancée en assistance médicale à la procréation. Le projet thérapeutique poursuivi est, en effet, à terme, de pallier une stérilité masculine par défaut de développement de spermatozoïdes matures via une production en laboratoire de gamètes mâles complètement formés et fonctionnels. Ces derniers seraient ensuite utilisés lors d’une injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI, IntraCytoplasmic Sperm Injection) – c’est-à-dire l’introduction via une pipette d’un unique spermatozoïde à l’intérieur d’un ovule – à des fins de fécondation d’ovocytes in vitro.

La société Kallistem indique s’être appuyée sur "deux technologies innovantes brevetées qui pourront répondre aux normes réglementaires en vigueur" pour parvenir à reproduire in vitro le processus de physiologique de la spermatogénèse qui, dans la nature, prend 72 jours. Il s’agit de Artistem®, "première plateforme technologique au monde qui permet de produire in vitro des spermatozoïdes humains" et de Bio-AlteR®, un système de culture cellulaire en 3D de tubes séminifères, qui sont le lieu de formation des spermatozoïdes dans les testicules. Kallistem souligne que le verrou technique qui a été levé pour parvenir à ces résultats tient "à la rencontre de deux expertises, dans le domaine des biomatériaux et de la culture cellulaire".

Pas de publication scientifique avant plusieurs semaines ou mois

Dans son communiqué de presse, Kallistem indique que "cette avancée scientifique et technologique" va permettre à cette société, "qui s’est développée jusqu’ici en investissant sur ses fonds propres", d’envisager cette année "de lever des fonds pour accélérer son plan de développement" et poursuivre son projet thérapeutique. Elle précise également être à la "recherche de partenaires pour assurer son développement aux Etats-Unis".

Interrogé par Sciences et Avenir, Kallistem affirme qu’une publication scientifique ne pourra en tout état de cause pas intervenir avant le 23 juin prochain dans la mesure où l’un des deux brevets déposés en décembre 2013 ne sera rendu public qu’à cette date. "Il convient de respecter un délai de 18 mois après le dépôt du brevet", affirme l’entreprise. Celle-ci indique par ailleurs que "les études précliniques doivent durer jusqu’en 2016 et les études cliniques commencer en 2017. L’objectif de la société à cinq ans est de commercialiser ses technologies sous forme de licence auprès des industriels du marché de l’assistance médicale à la procréation (AMP), et également de les commercialiser en direct auprès de centres de reproduction privés et publics".

Selon le Pr Hervé Lejeune du service de médecine de la reproduction de l’hôpital Femme Mère Enfant du CHU de Lyon, et membre du comité scientifique de Kallistem,"la réalisation de l’ensemble de la spermatogenèse in vitro, depuis les spermatogonies jusqu’au stade ultime de spermatozoïdes, dans des espèces animales, mais aussi dans l’espèce humaine, représente un véritable exploit biotechnologique".

Autres approches expérimentales

A ce jour, les travaux les plus avancés visant à reproduire en laboratoire des gamètes potentiellement fécondants ont été conduits par des chercheurs israéliens et canadiens. L’équipe de Jacob Hanna de l’institut Weizmann (Rehovot, Israël) et d’Azim Surani de l’université de Cambridge (Royaune-Uni) avait rapporté en décembre 2014 dans la revue Cell avoir réussi à produire des spermatozoïdes humains et des cellules précurseurs d’ovules à partir de cellules de peau humaine. Cette technique faisait appel à des cellules souches pluripotentes (iPS) capables de se différencier en gamètes. Ces chercheurs avaient alors découvert le rôle crucial joué par le gène, SOX17, dans la programmation de ces cellules souches vers un destin de cellules germinales primordiales. Cet exploit technologique constitue, comme celui aujourd’hui annoncé par la société lyonnaise Kallistem, un premier pas vers un possible traitement personnalisé de l’infertilité masculine.
   

Avant que ces approches expérimentales soient un jour effectivement mises en pratique, de nombreux obstacles devront être franchis sur le plan scientifique, éthique et réglementaire. Il conviendrait en effet de s'assurer que les spermatozoïdes produits in vitro sont dotés d’un pouvoir fécondant suffisant sous ICSI et, idéalement, de vérifier qu'ils sont capables de transmettre une information génétique et épigénétique non altérée.

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